Le brouillon est l’oublié du travail de l’élève et des enseignants.
Les écrits des épreuves du bac de français sont des épreuves difficiles, en séries générales comme technologiques. Elles impliquent une méthode solide et un entraînement régulier. Les enseignants consacrent du temps à développer ces méthodologies et elles fleurissent aussi sur les réseaux sociaux.
Une étape de ce long travail de quatre heures qui commence au sujet et s’achève à la copie rédigée est pourtant négligée : c’est le brouillon.
On ne donne pas vraiment de « cours de brouillon » et ils sont jetés par les élèves avec contentement dans la poubelle des salles d’examens aussitôt après l’épreuve ; certains n’y touchent même pas !
Pourtant le brouillon est un terrain essentiel d’élaboration du devoir, il est aussi un outil de diagnostic précieux pour aider les élèves à progresser.
Le brouillon ou l’atelier du devoir
Un brouillon bien exploité est un brouillon fourni. Personne ne peut faire surgir une problématique et un plan détaillé sans avoir au préalable cheminé, tâtonné, raturé… sans avoir annoté le sujet ou le texte proposé. – Allez consulter les brouillons d’écrivains, vous verrez l’usage qu’ils en font. –
Quelle que soit l’épreuve – une dissertation, un commentaire littéraire ou un essai – , certaines étapes essentielles doivent figurer dans le brouillon :
- L’analyse du sujet pour bien en cerner les attentes ou les premiers éléments de compréhension du texte à commenter.
→ Le brouillon doit restituer la définition des mots et expressions clés, reformuler le sujet ou, s’il s’agit d’un commentaire, isoler le sens du texte, en saisir les enjeux.
- La réflexion, les analyses, la mobilisation des connaissances.
→ Le brouillon doit déborder d’idées, de pistes, d’intuitions, d’interprétations… mais aussi d’exemples, de procédés précis.
- L’organisation de la réponse, la formulation d’une problématique et, pour finir, le plan détaillé du développement.
→ La dernière étape du brouillon doit guider la rédaction.
A chacun son brouillon
Le brouillon est le reflet de notre manière de réfléchir. Chacun doit trouver l’utilisation du brouillon qui lui convient le mieux : les couleurs, les flèches, les nuages de mots, les tableaux, les listes à puces… Il n’y a donc pas une seule bonne méthode, il n’y a pas de brouillon type. Pour trouver son approche du brouillon, il faut tâtonner, essayer, se tromper. Certains accordent de l’importance au visuel et fonctionnent par mots clés ou schémas, d’autres préfèrent rédiger les arguments importants pour baliser la progression.
Le brouillon, c’est aussi le travail du texte s’il s’agit d’un commentaire littéraire. Et il est souvent très utile d’annoter ce texte pour lui superposer le travail d’analyse : la progression, les titres des grands mouvements, les mots ou expressions importants, les champs lexicaux, les figures à étudier… Un commentaire est avant tout le fruit de votre rencontre avec le texte. Le brouillon en témoigne.
Le brouillon s’achève avec la formulation de la problématique et la construction du plan détaillé. Alors commence l’étape de la rédaction au propre du devoir. Si cette étape du brouillon a été bien menée, il n’y aura plus qu’à suivre le plan.
Un outil de diagnostic et de progression
Le brouillon reflète donc la rigueur de la méthode de l’élève, la qualité de sa compréhension, la profondeur de sa réflexion et la richesse de ses connaissances. C’est donc pour un professeur une mine d’informations. Le brouillon – si brouillon fourni il y a – nous permet de savoir quelles sont les étapes négligées, d’expliquer les lacunes de la copie et ses conséquences sur la note. Voici quelques illustrations :
- L’étape d’analyse de la question ou de compréhension du texte est survolée dans le brouillon. Le sujet est mal cerné ou le texte mal compris.
→ Cela peut conduire à des contresens ou des hors sujets.
- Le brouillon manque de questionnements, d’interprétations, d’analyses… Les enjeux du sujet ou du texte n’ont pas été bien cernés.
→ La réflexion sera souvent superficielle et le commentaire du texte risque de paraphraser l’extrait étudié.
- Le brouillon néglige la recherche d’arguments ou d’exemples, peu de connaissances sont mobilisées, le texte n’est pas approfondi (procédés d’écriture, figures de style…).
→ Ces lacunes expliquent souvent un devoir trop court, pauvre et/ou mal argumenté.
Le brouillon est donc un outil de diagnostic. Il nous indique ce qui doit être corrigé ou approfondi. Il nous dit si l’élève doit travailler la méthode, les connaissances, la compréhension, l’analyse, la problématisation… C’est un instrument de remédiation.
A l’heure de l’IA et du résultat immédiat, on néglige de plus en plus ce travail d’artisan que représente l’élaboration d’un devoir comme la dissertation ou le commentaire littéraire. Le brouillon témoigne de ce cheminement laborieux, il est le miroir de la réflexion et des connaissances de l’élève ; il offre au professeur des éléments essentiels pour l’aider à progresser.
Au fond, apprendre à travailler son brouillon, c’est apprendre à réfléchir. C’est donc un acquis qui dépasse de loin les seules épreuves du bac.
